La direction artistique

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Photo : Michel Durigneux

Hélène Weiszberg et Kevin Houdemont dirigent la compagnie depuis sa création en 2013. Hélène est professeur de lettres modernes au collège Jean Rostand de Trélazé où elle conduit également un atelier de danse et expression corporelle. Elle est également comédienne dans la troupe de La Galerie (Angers 49) et anime des ateliers de théâtre auprès d'adolescents. Après une douzaine d'années passées dans l'éducation nationale, Kevin se consacre aujourd'hui à l'écriture de texte et à la composition musicale...  ainsi qu'à ses enfants.
Comment vous-êtes vous rencontrés ?

K : Notre première rencontre date de 2007 au collège Jean Rostand de Trélazé (49) dans un atelier artistique pluridisciplinaire que nous avons co-animé pendant 6 ans. A l'époque, nous étions tous les deux professeurs. Je souhaitais mettre au profit des élèves les compétences artistiques que j'avais acquises après plus de 10 ans d'expérience de groupe dans la région nantaise (Gallian, Dibao, Les druides saumonés ...) J'avais aussi expérimenté la conduite de projets pluridisciplinaires à travers des créations réunissant un collectif d'artistes et des troupes amateurs notamment sur des projets théâtraux, vidéo et dansés. Je pensais que mettre en place ce type de projet dans un établissement scolaire pouvait permettre aux élèves de donner du sens à l'enseignement.

LN : J'avais eu pour ma part quelques expériences d'ateliers théâtraux et une pratique artistique amateure notamment en théâtre dans la troupe de La Galerie mais aussi en danse contact et contemporaine. Alors que Kevin s'occupait du volet créatif en menant l'écriture et la composition des spectacles, j'assurais l'aspect plus pédagogique et dramaturgique en mettant à profit ma culture littéraire. Nous avons ainsi travaillé sur 6 adaptions modernes et originales en menant en scène des groupes de près de 50 élèves de collège en ZEP. C'était un pari audacieux mais qui s'est révélé pour nous comme pour les élèves, une aventure très riche.

Comment s'est faite la transition d'un atelier scolaire vers une véritable troupe ?

LN : Nous avions décidé d'un commun accord d'arrêter l'atelier scolaire au début de la sixième année par peur de faire l'année de trop, celle où tout devient routine. Nous avions pris beaucoup de plaisir à concevoir, écrire et conduire ces projets et pour la plaisanterie, on évoquait même la possibilité de constituer une troupe amateure. Après notre dernière représentation scolaire, la maman d'une élève est venue me voir en me proposant de rejouer la pièce l'année suivante pour la journée de la Paix. Bien sûr, c'était très compliqué avec le départ des élèves de troisième et la pause estivale qui allait s'intercaler. Le lendemain, Kevin est arrivé en disant : "Et si c'était le moment ? Et si on y allait ?". C'était un défi comme on les aime. La semaine suivante, on créait l'association.

Le nom était déjà La Troisième Métamorphose ?

LN : Oui ! c'était une référence à Nietzsche. Dans le prologue d'Ainsi parlait Zarathoustra, il invite l'Homme à effectuer trois métamorphoses : devenir chameau pour supporter le fardeau des valeurs de la société, se transformer en lion pour mieux les détruire et enfin renaître en enfant pour mieux créer un monde meilleur. Cette philosophie avait nourri notre spectacle Sa Majesté des Bugs et elle correspondait bien au cheminement que nous réalisions pour créer la Compagnie.

Comment s'est constituée la compagnie à ses débuts ?

K : Nous avons d'abord contacté d'anciens élèves qui avaient poursuivi pour certains leur formation artistique au lycée voire dans des études supérieures. Nous avons aussi proposé à d'anciens parents d'élèves et des collègues de se joindre à nous. Dès la première année, nous avions une trentaine d'artistes plutôt jeunes et inexpérimentés à gérer. L'objectif dans les premiers mois était surtout de réussir à fédérer pour constituer une association.

Et aujourd'hui ?

K : Les choses ont évolué très vite. Il y a eu des départs et beaucoup d'arrivées. Certains anciens élèves sont toujours là ; ce sont aujourd'hui de jeunes adultes. Il y a aussi des parents et des collègues qui restent. Ce sont aujourd'hui de véritables amis. Le groupe s'est enrichi d'autres artistes soit par connaissance soit par rencontre à travers nos créations. Ce sont des jeunes ou des moins jeunes : aujourd'hui les artistes ont entre 14 et 65 ans ! Ces nouvelles recrues arrivent avec leurs expériences et leurs compétences. La compagnie possède une grande diversité, une hétérogénéité qui est une véritable richesse tant humaine qu'artistique. 

Vous êtes directeurs artistiques, comment cela fonctionne-t-il?

LN : Tous les deux ans environ, le conseil d'administration valide une orientation artistique que nous lui soumettons. Ensuite nous sommes chargés de la décliner sous formes de projets. Nous arrivons ainsi avec plusieurs textes que nous proposons aux artistes. Si d'aventure, un adhérent a une idée, il peut aussi la soumettre et si elle est en adéquation avec l'orientation globale, le projet pourra être conduit au sein de la troupe. C'est ainsi qu'une comédienne a réalisé un film en 2015. En général, il y a au moins trois ou quatre projet en cours en même temps !

Qu'en est-il de la nouvelle orientation artistique ?

K : Elle va guider notre travail de 2016 à 2018 environ. C'est quelque chose de très ambitieux. Il s'agit de placer l'engagement au cœur du fonctionnement de la troupe comme de l'association. Pour nous, l'art n'est que geste politique. Le fait de faire partie d'une association est aussi quelque chose qui est loin d'être anodin aujourd'hui. Le fait de prendre la parole face à d'autres pour être écouté que ce soit sur scène ou en répétition représente là encore un geste fort dans notre société. Nous allons donc défendre une pratique artistique engagée, chercher à donner du sens à tout cela. Nous voulons faire de l'art un moteur de la civilisation, un moyen de changer les choses. Et il y a du boulot !

Comment travaillez-vous ensemble ?

LN : Kevin écrit les textes comme les musiques.  Je canalise les choses, j'apporte un regard critique, des éléments bibliographiques... La création d'une pièce est un long échange fait de multiples allers-retours. Ensuite, nous partageons souvent le travail. Kevin dirige les musiciens dans toute la phase de déchiffrage des musiques tandis que moi, je fais répéter les comédiens et danseurs pour qu'ils s’approprient le texte. Plus le travail avance et plus nous travaillons ensemble à la direction du plateau. Kevin a  une vision d'ensemble, de mise en scène générale, et moi je vais davantage travailler le jeu des comédiens et la finesse. Ce n'est pas pour rien que nous travaillons depuis plus de dix ans ensemble : nous sommes bien complémentaires !

Quelles sont vos sources d'inspiration ?

K : On pioche un peu partout. Je suis un grand fan de contre-culture, passionné de comics, mangas, abreuvé aux séries télé. A côté de ça, j'ai longtemps fait du free jazz et d'autres musiques improvisées ce qui m'a plongé dans la culture contemporaine et avant-gardiste. Hélène, c'est un peu tout ça aussi, avec un goût pour le théâtre plus classique en grande amatrice de Shakespeare et bien sûr une acharnée de poésie. On passe d'une référence à l'autre sans se soucier. C'est un grand melting pot !

LN : On est des grands fans de rock n'roll et on peut aussi aller jusqu'à Amsterdam pour voir Einstein on the Beach de Philipp Galss et Bob Wilson. C'est le grand écart qui nous nourrit.

K : Oui, c'est ça, une culture barrée et sans complexe.

Et l'avenir ?

LN : L'avenir proche, ce sont les trois premières pièces de notre nouveau cycle de création. D'abord SEANCE, un huis clos à l'atmosphère étrange. Il y aura ensuite LES PORTES, une pièce chorégraphiée sur la musique des Doors. Pour cette création, nous allons travailler avec Aude LEJEUNE, comédienne, metteur en scène et danseuse angevine. Enfin, nous terminerons avec LES MURS, une longue pièce de théâtre très contemporaine.

Et à plus long terme ?

K : Quand on a créé la compagnie, il y a trois ans, un des adhérents a dit en rigolant : "Dans cinq ans, on fait Avignon et je conduis le bus !". Il nous reste encore deux années ... (rires)

 

 Le 8 Octobre 2016.